Le jour de l'AVC

C’était un vendredi comme tous les vendredis, heureuse de cette veille de week-end. Je me lève et prends mon petit-déjeuner dehors. C’est l’été, les oiseaux chantent. Le temps est au beau fixe. Il est 9h30, mon portable me signale l’arrivée d’un message. Je l’ouvre pour le lire. Le SMS de trop. C’était un message de ma précédente relation, Frédéric, qui refusait la séparation. Un homme manipulateur et pervers narcissique qui n’acceptait pas ma fuite ni mon nouveau bonheur auprès de l’homme avec lequel je vis. Insultant comme à l’accoutumée depuis plusieurs mois, prise de colère, mon sang ne fait qu’un tour. 10h00, je passe devant le miroir, je trouve mon regard bizarre mais ne m’inquiète pas. Je me dis que c’est lié à la colère qu’il provoque en moi. Ce que je ne savais pas, c’est que ça allait être le jour de l’AVC.

Le jour de l’AVC ne prévient pas

10h30, je repasse devant le miroir, mon regard devient de plus en plus étrange. Surtout du côté droit. Mon oeil a l’air de s’affaisser. Je ne ressens aucune douleur, juste un peu de fatigue. Je mets cela sur le compte de mon entreprise.

11h00, dans le déni de l’inquiétude de voir mon visage se transformer, je me refuse à une quelconque gravité médicale. Je mets une machine à laver en route. 11h30, je repasse devant le miroir. Mon oeil s’est totalement affaissé vers le bas contrairement à l’oeil gauche resté en place. Ma bouche est partie de travers vers la droite. Ma joue est tendue vers le bas. Je suis totalement défigurée. Je prends conscience que quelque chose d’anormal est en train de se passer. Je me dis que cela va passer.

La date de l’Accident Vasculaire Cérébral fut un vendredi. Le jour de l’AVC est arrivé sans douleur et sans prémices.

L’heure de midi arrivait, cela faisait 2 heures que je passais et repassais devant la glace en constatant que mon état physique s’empirait. Mon époux, Alexandre, travaillait dans une autre pièce. Je m’étais bien gardée de lui faire part de mes constats. Lorsqu’il sortit du bureau, il me regarda et comprit ce qui se tramait. Il me demanda d’appeler le 15. Il obtint un refus sous peine de m’enfuir de la maison pour que l’on ne me retrouve pas. Il finit par le faire lui-même et me donna le téléphone pour que j’explique mon cas.

Les pompiers me disent arriver au plus vite pour vérifier que tout va bien. Je sentais l’embrouille arriver où je ne maîtriserai plus rien. Je préviens tout le monde que je vais m’enfuir. Je ne veux pas aller à l’hôpital. On sait quand on y entre, on ne sait jamais quand on en sort.

Résignée, je n’ai plus le choix que de me ranger à leur venue

Ayant raccroché, je me dis qu’il me faut manger avant leur arrivée. Lorsque je voulus saisir la casserole, je n’avais plus de force dans la main droite ni dans le bras. Je me servis de ma main gauche pour manger lorsque la nourriture commença à se coincer dans ma gorge. Comme paralysée au niveau de l’oesophage, je n’arrivais plus à déglutir. Je tente de garder mon calme pour éviter d’entrer dans une forme de panique ou de stress. Je me dis « respire, respire par le nez et déglutis lentement mais sûrement ».

Je garde mes esprits par mon self-control. Je compris qu’il fallait que j’arrête de me nourrir. J’avais soif mais je savais qu’il ne fallait plus non plus que je m’hydrate sous peine que ça fasse fausse route. L’évidence était que cette potentielle pathologie que je développais me paralysait tout le système digestif en sus de me défigurer et de me faire perdre toute force.

Dans le déni de la gravité de ma pathologie, je fais tout pour reprendre le contrôle mais mon corps ne répond plus à mon cerveau

J’avais bien une petite idée sur ce qu’il m’arrivait. Toutefois pour moi, femme puissante, il était impossible que je puisse être victime d’un AVC. Jamais malade, toujours à mon poste de chef d’entreprise depuis 14 ans, réputée indestructible et solide comme un roc, il n’était pas possible de m’affaiblir à ce point sans rien maîtriser. J’étais dans l’incapacité de reprendre le contrôle de mon corps.

Ce que je ne savais pas, c’est que ça allait être le parcours du combattant pour m’en sortir. La galère post-AVC a démarré ce vendredi 21 juillet 2023.